vendredi 10 novembre 2017

4L Trophy des Judokates - Interview

4L Trophy des judokates - Interview - Cestquoitonkim - Judo



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David du blog cestquoitonkim.com : Bonjour Camille et bonjour Léa. Vous êtes toutes les deux judokates et vous allez vous lancer dans l’aventure un peu folle du 4L Trophy du 15 au 25 février 2018. Est-ce que vous pouvez m’en dire un peu plus sur vous deux et aussi ce qui vous est passé par la tête pour vous lancer dans ce défi ?

Camille : J’ai commencé le judo à l’âge de 5 ans, mes parents m’y avait inscrit car j’étais un enfant introverti. Le judo c’est toute ma vie, j’ai grandi avec, la majorité de mes amis sont des judokas, et depuis toute ma famille est impliqué de près ou de loin dans le judo ou le jujitsu. Aujourd’hui alors que le judo m’a limé les genoux je continue à toucher du doigt ce sport grâce à ma “fonction” de commissaire sportif dans le comité 92. L’esprit de compétition, d’honneur et de dépassement de soi que j’ai développée sur les tatamis lors de mes nombreuses heures d'entraînements et de compétition mon permis jusqu’à présent de réussir dans ma vie scolaire et professionnel.

Le 4L trophy est une course d’orientation à travers 3 pays - France, Espagne, Maroc -  en 4L par équipe de 2 étudiants pour aider les personnes démunis en France et les enfants dans des villages Marocains.

Léa : Pour ma part, j’ai commencé le judo à 5 ans, ma mère m’avait inscrite car j’avais beaucoup trop d’énergie à revendre, c’était sans compter les aller-retour au dojo et les journées de compétition à venir, je crois qu’elle s’en voulait un peu après ! Le Judo fait partie de ma vie, il m’a construit avec les bons et les mauvais côtés. Je ne pense pas que je serai la personne que je suis aujourd’hui sans les valeurs de ce sport et grâce aux personnes qui m’ont entouré pendant mes 13 ans de pratique, les coachs et les partenaires. J’officie depuis 4 ans maintenant en tant qu’arbitre dans le 92 ce qui m’a permis une autre vision de la compétition. Pour moi le Judo c’est une grande famille, elle a été présente longtemps pour moi et je compte l’être encore longtemps pour elle. Se lancer dans le 4L Trophy c’est comme se lancer dans une nouvelle saison de Judo, il faut se préparer et être bien entouré, peu importe le temps et l’investissement, si on atteint son but alors on a tout gagné.

David du blog cestquoitonkim.com : Camille, Léa ce 4L Trophy ça représente quoi pour vous ? Il y a un projet derrière ?

Camille et Léa : Le 4L Trophy est un moyen d’apporter notre soutien aux populations défavorisées en France comme à l’étranger. C’est la possibilité d’exporter notre passion à des populations qui n’auront peut être jamais la possibilité de pratiquer le judo si nous ne les aidons pas. Donc oui, il y a un projet derrière. Permettre aux enfants des villages marocains de découvrir un sport qui a changé nos vies et qui peut changer la leurs grâce au code moral du judo, qui nous a construit à travers des valeurs. 

David du blog cestquoitonkim.com : Camille, Léa et à titre individuel ?

Camille : Participer au 4L Trophy est pour moi une façon de me rendre utile et d’aider les autres. J’ai depuis plusieurs années l’envie de faire de l’humanitaire et contribuer à ma manière à améliorer la vie de personnes dans le besoin. Si je peux apporter aux enfants ce que le judo m’a apporté dans ma vie professionnel comme personnel ce serait une victoire ! De plus, le 4L trophy n’est pas qu’une simple course, car en amont il s’agit de plusieurs mois de préparations : mécanique, communication, commerciale… Je mêle mes compétences professionnelles à ce projet dingue qui tient mes nerfs à rude épreuve ahah.. c’est une sorte de défi personnel

Léa : Comme le dit Camille, c’est déjà un moyen de se rendre utile, on pense d’abord aux enfants là bas, comment on pourrait les aider, ensuite on pense à nous, comment bien préparer le projet. Personnellement l’idée d’aventure, de se jeter dans le désert avec une vieille voiture était aussi bien tentante ! Malheureusement, c’est un projet qui se prépare, on peut pas se dire du jour au lendemain qu’on va faire le 4L Trophy. J’ai eu la chance d’avoir ma famille pour me soutenir, ma mère à trouver la 4L et mon père a fait les réparations. Ce qui est génial car plus on est soutenu moins on doute sur la fiabilité du projet.

David du blog cestquoitonkim.com : Entre nous, comment ça se passe pour tenter l’aventure du 4L Trophy ? C’est quoi l’organisation et ça se finance facilement ?

Camille et Léa : C’est beaucoup de travail en amont, des heures au téléphone, devant son écran d’ordinateurs mais également à la rencontre des sponsors et des négociations. Nous nous sommes dispatcher le travail en fonction de nos profils et de nos disponibilités. Camille s’occupe de la communication et des sponsors et Léa s’occupe de la mécanique de la gestion bancaire et commerciale. Le financement est particulier car tout le monde ne peut pas donner et contrairement aux idées reçu ce ne sont pas les grandes entreprises qui finance le plus facilement.

David du blog cestquoitonkim.com : Ah ? Vous avez quand même des personnes qui vous aident ? Des 1er sponsors ? Des idées que vous déjà mises ou que vous allez mettre en place ?

Camille et Léa : Aujourd’hui nous avons deux sponsors dont un club de judo et des dons grâce à la vente de stylos. Nous avons réussis à faire signer l’équipe de France de judo féminine sur un T-shirt que nous souhaitons vendre aux enchères. De plus, nous venons de lancer une cagnotte sur Ulule pour permettre à chacun de soutenir notre projet. Les personnes peuvent suivre nos aventures sur les réseaux sociaux. Nous voulons organiser des tour en 4L sur les lieux de manifestations de judo pour les donateurs.

https://fr.ulule.com/the-french-touch/
>> Cliquez sur la photo pour en savoir plus sur la campagne de don (crowdfunding) <<


David du blog cestquoitonkim.com : Le fait d’être judokates vous pensez que ça va vous aider ?

Camille et Léa : Tout dépend des qualités dont nous disposons et dont nous avons besoin ! Léa n’est pas très endurante, et Camille à tout le temps faim et soif. Mais notre esprit d’équipe et de compétition avec bien évidemment le contrôle de soi seront de la parti pour réussir.

David du blog cestquoitonkim.com : En dehors de la course vous allez vivre comment ? Vous allez aussi dormir dans la voiture ?

Camille et Léa : Nous avons prévu une tente, car une 4L n’est pas très confortable. De plus, elle sera remplie des équipements et dons pour les enfants. Mais cette idée nous avait furtivement traversé l’esprit.

David du blog cestquoitonkim.com : Peut être pourrait on valider que vous allez pouvoir vivre 10 jours non stop ensemble 24h sur 24h ? Si ça vous dit je propose que toutes les deux vous vous posiez 2 questions pour encore mieux vous connaître. Les anecdotes et les clins d’œil sont les bienvenues ;-)

Camille pour Lea : Est-ce que tu parles dans ton sommeil ?

Léa : Oui, même que des fois je chante !!

Léa pour Camille : Est-ce que tu ronfles ?

Camille : Non mais je suis somnambule à mes heures perdues.

Camille pour Léa : As tu un bon sens de l’orientation ?

Léa : Oui, plus ou moins, quand il y a des routes !

Léa pour Camille : Est-ce que tu roules vite ?

Camille : Heu… Cela dépends de la vision de chacun, selon mon entourage oui un peu trop vite je ne sais pas si cela est un compliment.

David du blog cestquoitonkim.com : Merci Camille et Léa de vous être prêter à ce petit jeu. Entre le somnambulisme et le chant vous allez pas vous ennuyer la nuit ;-). En tout cas, Camille et Léa je suis sûr que ça va bien se passer pour vous. Je vous laisse peut être terminer l’interview par un message direct aux lecteurs du blog ? A vous de jouer :-)

Camille et Léa : Venez nous découvrir sur notre page Facebook ! Et n’hésitez pas à suivre nos aventures sur les différents réseaux sociaux. Si vous avez des questions et que vous voulez participer à notre projet n’hésitez pas à nous contacter ! PS : Nous sommes toujours à la recherche de sponsors pour boucler notre budget !

mardi 7 novembre 2017

Interview Franck BELLARD

Crédit photo Fabrice BOUVART (voir Interview de Fabrice Bouvart)


David du blog www.cestquoitonkim.com : Bonjour Franck. Merci d’avoir accepté cette “petite” interview pour le blog. Anciens membre de l’équipe de France de judo, actuellement entraîneur du club de Pontault Combault. Club qui s’illustre en 1ère division notamment chez les féminines. Tu es aussi formateur au sacro sein du haut niveau français : l’INSEP. D’un point de vu personnel, j’ai cru comprendre que tu étais un grand humaniste et d’après certaines de mes connaissances hyper objective je cite “un mec génial”. Nous allons parler ensemble de ton parcours, de ton rôle de formateur à l’INSEP, de ta vision du judo et de beaucoup d’autres choses vraiment très intéressantes . Pour démarrer peux tu nous livrer ton parcours de judoka de simple ceinture blanche à ta ceinture noire 4ème dan et ton engagement actuel ?

Franck Bellard : J’ai commencé le judo en 1982 au gymnase Maurice Thorez de Vitry Sur Seine. J’avais 6 ans et j’étais déjà un peu hyperactif. Mes parents m’ont amené au dojo parce que mon frère pratiquait ce sport, mais sans doute aussi pour défouler mon excès d’énergie. Je ne peux pas forcément me l’expliquer mais j’ai rapidement aimé le judo. Dans mon club de Thiais, j’ai aussi trouvé une famille et des amis ! Et puis je crois que j’étais assez doué pour le sport. Avec le recul, je pense que je sortais du lot. Je gagnais tout le temps, c’était sympa, je ne me posais pas de questions existentielles sur mon avenir ! Jusqu’en 1992, où je termine vice champion de France cadet. Je crois que c’est ce jour là que j’ai commencé à me dire que je pouvais faire de mes rêves de gloire secrets et enfantins, un projet de vie. Après c’est allé très vite… Je gagne les championnats de France cadet en 1993, puis je suis sélectionné au championnat du Monde junior en 1996. C’est cette année là que je rentre officiellement à l’INSEP. Je n’en suis jamais vraiment ressorti puisque j’y travaille encore aujourd’hui. Je n’obtiens pas de médailles en équipe de France juniors, mais je continue ma progression. A ma grande surprise, je termine 2ème au tournoi de Paris en 1998. Je rejoins le PSG de BOURAS et DOUILLET. J’intègre l’équipe de France sénior en tant que remplaçant en -66kg...Une grande fierté pour moi ! Cette année là, nous terminons 3ème au championnat du Monde par équipe. C’est l’histoire de ma vie d’athlète qui s’écrit sur cette compétition… La plus belle ligne de mon palmarès …et je n’ai pas combattu ! Cette place de numéro 2, je l’ai conservée en obtenant une deuxième médaille d’argent au premier tournoi de Paris effectué à Bercy, en 2000. Elle m’aura permis de vivre les Jeux de Sydney, en tant que partenaire et remplaçant de Larbi Benboudaoud. Après, mon histoire sportive s’est plutôt écrite à l’infirmerie. Malgré une victoire aux Jeux de la Francophonie en 2001 et une belle médaille de bronze aux universiades le même été, j’ai enchaîné les graves blessures et autant d’opérations. Entre 2000 et 2004, je n’ai pas pu participer au championnat de France, et encore moins au tournoi de Paris. C’est sans doute cette frustration de ne pas avoir pu m’exprimer pleinement qui m’a donné envie de transmettre et d’aider les générations futures à réaliser leurs rêves. Je suis donc devenu entraîneur en 2002 à Pontault … et oui, ça fait déjà 15 ans. Et dans un sport dominé par l’intuition subjective du Maquignon autant que par la main de fer du Sensei traditionaliste que sont souvent les entraîneurs nationaux, j’ai rapidement été animé par l’intention viscérale de moderniser les pratiques. Celles de la perte de poids, en écrivant un livre sur la diététique du judo et rapidement les pratiques pédagogiques. Car de mon point de vue, la pédagogie du judo de haut niveau telle que je l’observe depuis ma fenêtre détruit bien plus qu’elle ne construit. Ce que je crois, c’est qu’elle se résume à un grand rouleau compresseur duquel seuls les plus résistants survivront. Du coup, ce sont ceux là qui réussissent. En fait, j’ai rapidement fait le pari d’un modèle plus humaniste. Ce sont mes valeurs, … C’est viscéral ! Depuis mes premières lectures sur le coaching, le développement personnel ou la psychologie, je passe ma vie à explorer de nouvelles voies plus vertueuses vers le mont Olympe. C’est le sens de mon parcours… Et j’aime ça. Et du coup ça alimente mon autre passion… La formation ! Je ne suis pas à l’INSEP par hasard. Je contribue à moderniser les pratiques en m’impliquant directement dans la formation des cadres du sport de haut niveau français. Aujourd'hui je suis responsable de l’unité “formation des entraineurs” au sein du pôle formation de l’INSEP, … et j’aime fondamentalement ce métier !



David du blog www.cestquoitonkim.com : Quel est ton meilleur souvenir judo ?

Franck Bellard : J’en ai beaucoup. Sur le plan sportif, ma première finale (perdue) au championnat de France cadet. C’est mon premier succès national. Et puis il y avait mes copains de club, mes parents, mon grand frère, … j’étais fier. Le deuxième, c’est ma première médaille au championnat de France 1ère division. C’est une étape importante pour tout judoka français. J’ai pu la partager avec Thierry Dibert, qui était et qui est toujours quelqu’un d’important dans mon parcours. Le troisième, c’est sans doute ma première finale au tournoi de Paris en 1998. Là encore j’ai pu la partager avec ceux qui comptaient pour moi. Et ce jour là, j’étais sur un nuage. Tout ce que j’ai tenté fonctionnait ! Ensuite, je crois que l’été 2001 a été l’un des plus beaux de ma carrière. Je venais d’avoir mon premier enfant (j’attends 2 garçons en même temps d’un instant à l’autre) et je crois que j’ai commencé à vivre la performance avec plus de détachement. La victoire aux Jeux de la Francophonie et ma 3ème place aux universiades, c’étaient des instants extraordinaires. A pékin en 2001, j’ai vécu mes Jeux à moi. La cérémonie d’ouverture était grandiose. Et là encore j’ai partagé l'événement avec des amis qui me sont encore chers, même si je ne les vois pas beaucoup. Je pense à Guillaume Fort notamment. Je pourrais continuer encore longtemps. Les championnats par équipe avec Thiais, ma victoire à Visé en -73 après 2 ans sans compétition, le premier titre par équipe en tant qu’entraîneur en 2011, la finale au tournoi de Paris de ma femme en 2014, etc… c’est pour ça que malgré les obstacles et les difficultés que je peux rencontrer dans le judo pour contribuer à un monde meilleur, je suis attaché à mon sport. C’est bien parce que j’y ai beaucoup de souvenirs extraordinaires.

David du blog www.cestquoitonkim.com : Peux tu nous en dire un peu plus sur toi en tant qu’homme ?

Franck Bellard : En tant qu’homme, je crois que ma passion tient dans ma volonté de comprendre les rapports humains et ce qui se passe dans la tête du sportif. C'est ce qui guide mon combat pour un monde meilleur. C’est peut-être utopique, mégalo, ou tout ce qu’on veut, mais ça coule dans mes veines. Du coup, j’adore lire (psychologie, philosophie, développement personnelle, communication interpersonnelle), et je lis utile ! J’adore écrire aussi. Je peux passer des heures sur un texte, à reprendre une phrase, déplacer une virgule… J’aime modéliser, analyser mon message et le partager. C’est ce que j’aime dans mes deux métiers. En fait je réfléchis tout le temps et j’aime ça. Et puis j’ai toujours besoin d’aller de projets en projets. Du coup, il n’y a pas beaucoup de place pour la musique ou autre passe temps qui ne soit pas connecté avec un projet professionnel ou personnel. Je commence à prendre du temps pour moi, et pour les miens. Je me suis mis au marathon, j’ai repris le sport, et j’essaye quand je peux de prendre le temps de voir les gens que j’aime profondément. Le problème, c’est que je m’attache rapidement aux gens !!! 

David du blog www.cestquoitonkim.com : Quel est ton rôle à l’INSEP et cela représente quoi pour toi ?

Franck Bellard : A l’INSEP, je suis entré en tant que formateur sur le BPJEPS APT. Rapidement j’ai été nommé responsable du dispositif de préparation au concours de professeur de sport. J’adore cette mission qui ressemble énormément à mon métier d’entraîneur. En fait, j’aide des gens à avoir un concours de plus en plus contraint en nombre de places. C’est un défi pour lequel je prends plaisir à accompagner les candidats. Il y a beaucoup d’enjeu. Ils jouent un métier à vie… Du coup quand ça marche, c’est une joie immense que j’adore partager avec eux. Depuis quelques mois, je suis passé responsable de l’unité formation des entraîneurs. Mon travail consiste donc à coordonner les actions de formation initiale et continue au service des actuels et futurs cadres du sport de haut niveau français directement impliqués dans la performance. C’est passionnant. Indirectement, la performance de demain se joue aussi dans les problématiques de formation des cadres. Dans cette mission, j’ai le sentiment d’agir directement au service du sport olympique français. Et puis je continue à intervenir en cours auprès des étudiants en master, des candidats du professorat, des stagiaires du DESJEPS. Je partage mon expérience, je véhicule une vision éthique, scientifique et humaniste de l’excellence sportive. Celle que je défends dans mon livre au final.

David du blog www.cestquoitonkim.com : Quel est ton rôle à Pontault-Combault et cela représente quoi pour toi ? 

Crédit photo Fabrice BOUVART (voir Interview de Fabrice Bouvart)
Franck Bellard : A Pontault, j’ai commencé par entraîner…; Tout simplement. Et puis avec le temps, j’ai compris que la performance dépendait d’éléments plus larges et plus complexes que mes simples conseils technico-tactiques. Je me suis impliqué dans la recherche de financements, la construction d’un staff, les décisions du club, etc… J’ai été directeur technique, mais je n’ai plus vraiment le temps. Depuis quelques années c’est Franck Party qui a repris le flambeau. C’est un ancien élève que j’ai eu au CFA omnisports lorsque je formais les BEES judo. Et puis il est devenu mon ami, mon témoin de mariage, mon petit frère. Du coup, je me suis recentré sur mon rôle d’entraîneur, et je reste très impliqué dans les décisions du club.Le JCPC, c’est comme une deuxième famille. C’est aussi mon bébé. Je m’y suis construit en tant qu’entraîneur, mais sans fausse modestie (je n’aime pas ça) j’ai aussi contribué à en faire un grand club. Mon défi aujourd'hui, c’est de pérenniser le projet et de continuer à voir les choses en grand !

David du blog www.cestquoitonkim.com : Est-ce facile de faire financer un club de judo de haut-niveau ?

Franck Bellard : Justement non… Et c’est le défi de demain. Je crois que le judo français vit sous perfusion des finances publiques. Or ces dernières se contractent et se réduisent comme peau de chagrin. Le défi de demain, c’est bien de concevoir de nouveaux modèles économiques. Je n’ai pas de solution miraculeuse sous la main mais c’est ma plus grande préoccupation. A défaut, les meilleurs clubs de demain seront ceux qui seront passés entre les gouttes de la faillite !

David du blog www.cestquoitonkim.com : Question de Jean-Pierre Cianfarani lecteur du blog, penses-tu qu'il faille développer notre réseau de détection à travers le territoire, et si oui, doit-il être fait à partir de quel âge ?

Franck Bellard : Je suis très perplexe quand on aborde la question de la détection. Détecter c’est faire un pari sur certains. C’est souvent nécessaire. Il n’y a pas de place pour tout le monde sur le podium, dans les structures, ou même dans les clubs qui sont prêts à investir sur le potentiel d’un athlète. Mais en matière de potentiel, force est de constater qu’il est difficile de prédire la performance à 4 ou 8 ans. Ce que je crois pour répondre concrètement à cette question c’est qu’il est important de poser des critères, d’expliquer en amont les éléments sur lesquels seront fondée la détection et surtout expliquer a posteriori à ceux qui restent sur le bord pourquoi ils n’ont pas été pris, avant de leur assurer qu’il existe des itinéraires bis. Je connais trop d’exemples d’athlètes sur lesquels on a misé très tôt et qui ont arrêté le judo quelques mois plus tard. A l’inverse, même s’il en existe de moins en moins, j’ai connu des athlètes sur lesquels on ne misait pas, et qui finalement ont réussi à faire des résultats intéressants. Au final, je pense surtout qu’en matière de détection, il faut pouvoir reconnaître qu’on peut se tromper, … et donc, éviter d’être trop catégorique, en fermant des portes définitivement à ceux qui ne sont pas élus à l’instant t.

David du blog www.cestquoitonkim.com : Au vu de ton expérience, aurais-tu un conseil judo pour mes lecteurs qui sont autant des judokas compétiteurs que des judokas loisirs comme moi ?

Franck Bellard : Pour moi, le judo et la compétition sont des outils extraordinaires pour entrer dans la quête de soi. Se confronter à l’autre, c’est une façon formidable de découvrir qui on est soi ! Donc mon seul conseil, c’est de considérer le judo comme une aventure, une exploration sans fin dont la finalité est peut - être uniquement de mieux se connaître pour agir dans le respect des 3 fondements du judo que sont l’entraide et la prospérité mutuelle, l’utilisation habile de l’énergie et le principe de souplesse. Bon, je sais… C’est encore un peu perché comme réponse, mais c’est ce que je ressens aujourd”hui.

David du blog www.cestquoitonkim.com : En parlant de conseil tu as écrit deux livres dont un vient de sortir récemment tu peux nous parler de ton cheminement pour aboutir à ces deux ouvrages et ton objectif en les publiant ?

Franck Bellard : Je pense avoir répondu à ces questions plus haut. Mais dans les deux cas, ces livres sont nés d’un constat qu’on pouvait faire mieux. L’un en matière de perte de poids l’autre en matière de prise en compte du mental et de l’humain dans la performance. Contribuer à la modernisation des pratiques au service de l’excellence sportive, c’est finalement le sens de mon action professionnelle et de ces deux livres.

David du blog www.cestquoitonkim.com : Si on revient sur ton derniers livre à qui s’adresse-t-il ? Au judokas compétiteurs uniquement ou aux judokas dit loisir aussi ?

Franck Bellard : Mon livre entraîner autrement s’adresse à tous ceux qui veulent devenir entraîneur, ou qui le sont déjà, quel que soit le niveau et la discipline. Mon livre traite de la relation entraîneur - entraîné et de la question du mental dans la performance. A ce titre, il s’adresse à tous ceux qui veulent s’y intéresser.

David du blog www.cestquoitonkim.com : J’ai vu que la couverture avait été réalisée par Julia Ruiz (lien vers l'Interview de Julia RUIZ :) comment est née cette collaboration ?

Franck Bellard : Julia était athlète à Pontault. Elle est un exemple pour moi de réussite. Quand je l’entraînais, j’ai pu constater qu’elle ne s’épanouissait pas. Ce que je crois, même si elle était compétente voir excellente en judo, c’est que ce n’était pas sa voie, ou en tout cas pas SA zone de génie. Je l’ai aidée à en prendre conscience… enfin je crois. Aujourd’hui elle a arrêté le judo pour faire du dessin artistique et / ou commercial, et j’ai vraiment le sentiment qu’elle est dans sa zone de génie. Le fait de lui avoir demandé de faire la couverture, c’était important pour moi… Ca avait du sens. Parce que c’est bien ça qui me passionne dans mon métier. Aider les gens à se réaliser dans leur zone de génie. Quand c’est le judo, ça crée de la performance, car je suis convaincu que le développement personnel est un facteur de performance. Et quand ce n’est pas le judo, c’est tout aussi génial d’aider les gens à se consacrer réellement à leur zone de génie.

David du blog www.cestquoitonkim.com : Dans ton interview pour l’esprit du judo, j’ai eu le sentiment que le bonheur était centrale dans ta démarche. Qu’est ce que le bonheur selon toi et le bonheur fait-il la performance ?





Franck Bellard : Je n’ai pas la prétention de pouvoir apporter une définition du bonheur. D’autres auteurs, chanteurs ou philosophes feront ça mieux que moi. Je crois surtout qu’en la matière, chacun a toute une vie pour s’y essayer. D’ailleurs, je pense qu’il faut beaucoup cheminer pour comprendre son fonctionnement. Je pense aussi que le bonheur, c’est d’être aligné. Autrement dit, c’est quand le lieu, l’action, les compétences, sont connectées à nos valeurs, notre identité et le sens que l’on donne à notre vie. Quand on fait ce qu’on est et quand on est ce qu’on fait. Quoi qu’il arrive, c’est sans doute un mélange de simplicité et de complexité aussi accessible que difficile à palper. A savoir si le bonheur est source de performance, je ne crois pas. Mais mon livre ne s’appelle pas “le bonheur au service de l’excellence sportive”. Il s’appelle le développement personnel au service de l’excellence sportive. Autrement dit, je ne promets le bonheur à personne dans ce livre. Je suis convaincu en revanche que le cheminement vers une meilleure compréhension de soi est un facteur de performance. Jusqu’au moment où ce cheminement nous amène à renoncer au besoin de prouver sa valeur au monde entier. Car c’est selon moi l’un des moteurs de la performance. Peut-être que dans ce cas là, quand ce besoin est moins viscéral, on peut être plus heureux (c’est mon cas aujourd'hui) mais moins performant en judo… en tout cas en tant que combattant. Je fais le pari, et ce n’est qu’un pari, qu’on est peut être plus efficace, en tant qu’entraîneur.

David du blog www.cestquoitonkim.com : J’ai aussi noté dans cette interview une forme d’opposition entre les pratiques actuelles qui seraient anciennes et d’autres pratiques dîtes modernes. Peux tu développer pour nous ton point de vu ?

Franck Bellard : Je pense avoir développé cette réponse plus haut. Mais pour y répondre plus concrètement, je citerai une étude menée en 1996 à l’INSEP auprès des entraîneurs de judo. Cette étude de Fabienne D’Arrippe explique que la pédagogie des entraîneurs experts de judo consiste à créer des situations inconfortables desquels seuls les plus résistants émergent. Pour moi le modèle pédagogique actuel du judo et de beaucoup d’entraîneurs d’autres disciplines consiste à user et abuser de la carotte et du bâton, à corriger ce qui ne va pas, à viser une perfection qui n’existe pas par nature, à être sévère, à imposer, diriger, téléguider, … bref une main de fer dans un gant de fer ! Pour moi, ces méthodes sont dépassées. En tout cas je pense qu’on en a assez abusé, et qu’il est temps de s’appuyer sur quelques études scientifiques pour faire un peu mieux en matière de préparation mentale. Parce que le risque de tout ça et je l’observe souvent, c’est que les athlètes sont davantages connectés à leur peur du bâton, la crainte de la remontrance, leur terreur de l’imperfection, plutôt qu’à leur envie de gagner, d’avancer, d’essayer, d’explorer, etc… Au final, je ne détiens pas la solution miraculeuse. Je cherche autre chose, avec la conviction qu’on peut faire mieux. Aujourd’hui je suis capable de dire que les coups de bâtons peuvent fonctionner avec des ânes… mais que tous les athlètes ne sont pas des ânes. Pour moi la bonne méthode n’existe pas. Par contre l’idée c’est d’agir en conscience, avec le doute comme moteur de la réflexion et la conviction comme moteur de l’action.

David du blog www.cestquoitonkim.com : Ton approche humaniste de l’entraînement se rapproche finalement des courants de pensée actuels en entreprise avec l’émergence d’happy manager, de la responsabilisation de chacun pour libérer le potentiel de créativité source d’innovation pour notamment prendre le virage de la transformation numérique qui bousculent la société. Tentes tu finalement de passer le judo de haut niveau en mode collaboratif pour innover et le passer en 2.0 ?

Franck Bellard : J’ai découvert le coaching dans le livre de John Withmore en 2005. Ce livre montre bien que ces théories du management partent de l’entreprise, où elles existent depuis longtemps. Elles m’ont inspiré. Je me les suis appropriées pour construire ma méthode, ma vision des choses. Mais oui, en quelque sorte, c’est un peu cela.

David du blog www.cestquoitonkim.com : Je ne connais pas grand chose du haut niveau je dois bien l’admettre. J’ai lu le livre “Sois champion et tais toi” d’Amélie GROSSMAN-ETOH qui dépeint une ambiance assez particulière dans les coulisses de haut-niveau. Je pense notamment aux pratiques de gestion du poids qui vont à l’encontre de la bonne santé des judokas et une forme d’instrumentalisation des judokas de haut-niveau par les entraîneurs. Le haut-niveau est il sain ?

Franck Bellard : Le haut niveau est à l’image de la société dans laquelle il se développe. Par définition, il n’y a qu’une personne sur la première marche. Il est donc source de frustrations, de jalousies, de coups bas, d’abandon, de trahisons. C’est un environnement peuplé par les meilleurs loups… Donc il est difficile à supporter pour les petits agneaux fragiles. En revanche, quelle belle aventure pour celui qui a tout donné pour essayer de réaliser son rêve ! C’est un lieu d’émotion et de passion où l'intensité est permanente ! En fait le haut niveau, n’est ni plus sain ni moins sain que la vie… Il est peut-être plus intense.

David du blog www.cestquoitonkim.com : Un dernier mot pour les lecteurs du blog ?


Crédit photo Fabrice BOUVART (voir Interview de Fabrice Bouvart)

Franck Bellard : Si le seul objectif d’une carrière est d’obtenir une médaille, alors les sportifs risquent d’être très déçus au bout du chemin. Mon pari, c’est de faire de la compétition un lieu de compréhension de soi, dans un cheminement qui ne s’arrête pas à la fin d’une carrière sportive. Cheminer vers l’excellence, pour moi, c’est mieux se connaître pour mieux trouver sa voie, sa zone de génie, son mode d’emploi pour être efficace,... c’est passionnant et c’est sans fin !