#Article invité de Franck MATHIAS sur la biographie de Lucie Décosse " Je suis restée debout " de Lucie Décosse avec Brice Perrier aux Editions du Moment août 2015
Cet article a bénéficié d'un partenariat entre les Éditions du Moment et le blog www.cestquoitonkim.com. Il a été écrit de manière indépendante par son auteur.
"Je vais à la Poste … »
C'est ainsi qu'aurait pu s'appeler la biographie de Lucie Décosse. Ce n'est pas non plus la reconversion envisagée par notre immense championne ! Tout cela vous semble mystérieux ? C'est normal et cette phrase résume un aspect de la personnalité de Lucie Décosse. Il lui arrivait régulièrement de s’échapper du monde du judo pour des parenthèses plus personnelles et elle lançait à ses partenaires : « Je vais à la Poste … »
C’est avec un grand plaisir que j’ai lu cet été cette biographie de Lucie Décosse avant de la rencontrer durant le stage de Matthieu Bataille dans son club de l’AS Etaples Judo. Elle eut la gentillesse de dédicacer son livre aux lecteurs du blog Cestquoitonkim. Elle nous parle de son parcours de judokate, des régimes, de l’argent, du dopage, de la couverture médiatique pour les sportives, de sa philosophie du judo et de sa reconversion. N’hésitez surtout pas et courrez acheter ce livre qui regorge d’anecdotes très intéressantes. Je vous le recommande vivement. Il vous donnera pleins de conseils, de réflexions pour vous aider dans votre pratique du judo.
Son parcours dans le judo débuta dans le Val d’Oise à 6 ans lors d’une initiation d’un trimestre en classe de CP et se termina en apothéose le 01 août 2012 à Londres par un titre de championne olympique ! Entre ces deux dates, Lucie Décosse connut le parcours typique d’une jeune sportive talentueuse vivant outre-mer. Découverte de la compétition en Guyane et ses premiers résultats régionaux et nationaux lui ouvrant les portes à 16 ans de la section sport-étude de l’US Orléans, club auquel elle restera fidèle très longtemps. Ces premières années de haut-niveau furent très difficiles physiquement pour elle, mais elle a toujours pu compter sur le soutien de sa famille et notamment de sa maman. Notre championne en devenir commença à se faire remarquer au niveau national en remportant le titre de championne de France junior en 1999, son ticket d’entrée pour l’INSEP. Au sein de cette usine à champion, elle acquit très rapidement le statut de remplaçante en équipe de France seniors bien qu’elle fut toujours junior. Aux JO de Sydney, elle eut un déclic en voyant sa partenaire d’entrainement Sèverine Vandenhende devenir championne olympique. Elle se dit qu’elle n’en était pas loin et qu’elle pouvait y arriver aussi. Puis ce furent de longues années de compétition avec de très nombreux succès : Tournoi de Paris à 19 ans, championne du monde junior et senior en individuel et par équipe, championne d’Europe et vainqueur de nombreux tournois. Ce fut aussi une période où elle subit des défaites incompréhensibles… Ce fut la seule fois où elle consulta un préparateur mental, ce qui lui permit d’aborder différemment les combats. Une autre étape importante pour Lucie Décosse fut son départ de l’US Orléans pour le Lagardère Paris Racing de Thierry Rey en 2006 avec comme objectif de mettre toutes ses chances de son côté pour remporter le dernier titre qui manquait à son palmarès, celui de championne olympique. Elle changea de catégorie pour passer chez les -70 kg afin d’être en harmonie avec son corps qui n’en pouvait plus des régimes. Elle compléta son bagage technique en rajoutant des techniques avant alors que ses spéciaux n’étaient que des techniques arrières. Elle devint plus agressive sur le kumikata. Elle n’en fut que plus redoutable. La route vers l’or olympique était ouverte.
Lucie Décosse aborde d’autres sujets en toute franchise : l’argent, le dopage, les régimes, la couverture médiatique des sportives et sa philosophie du judo. Elle nous révèle dans le détail l’ensemble de ses gains. C’est une démarche rare chez les sportifs français. De toute évidence, ce n’est pas en étant championne de judo que l’on fait fortune. En fin de carrière, l’ensemble de ses rémunérations lui procuraient un salaire mensuel de 10 000€. Nous sommes bien loin des montants d’autres sportifs professionnels avec de bien plus pauvre palmarès ! Concernant le dopage, elle n’en voit pas l’utilité dans le judo. Elle dit avoir été contrôlée une dizaine de fois par an comme tout athlète de haut-niveau. Par contre, il y a un sujet délicat pour Lucie Décosse : les régimes, « sa croix de judokate ». Elle nous raconte les supplices qu’elle a dû endurer pour faire la pesée lorsqu’elle était chez les -63 kg et notamment pour le tournoi de Fukuoka fin 2006. Elle trouve inconcevable de tirer autant sur la corde pour un sport qui nécessite de la force. Elle déconseille à ses lecteurs de l’imiter mais les encourage à consulter un diététicien car chaque corps humain est unique et réagi différemment aux différentes privations. On sent que ces épisodes l’ont durement marquée. Elle cite le cas d’une combattante anglaise éliminée aux JO de Sidney pour avoir bu un verre d’eau la nuit précédant la pesée. On alla jusqu’à lui couper les cheveux sur la balance mais sans succès ! Elle nous met en garde aussi sur l’après-régime qui n’est pas du tout suivi. Elle nous rappelle la mésaventure qui était arrivé aux JO d’Athènes à Benjamin Darbelet : il avait repris 12 kg en une seule journée suite à un régime drastique où il perdit 14 kg. Il fut victime ensuite de troubles du comportement alimentaire frisant la boulimie et il lui a fallu deux ans pour s’en remettre ! Pour l’anecdote, il fut éliminé au 1er tour…
Comme dans de nombreux autres sports, les médias s’intéressent très peu aux féminines. Lucie Décosse nous expose son expérience personnelle. Une seule invitation à Stade 2 de toute sa carrière. Et en compagnie de Teddy Riner… Lors de son 3ème titre de championne du monde, 2ème française dans l’histoire à réaliser cet exploit, elle n’eut droit qu’à une page entière intérieure de l’Equipe. Le même traitement que pour Teddy Riner qui lui allait seulement combattre le dimanche. Elle n’en veut pas du tout à Teddy Riner, elle dénonce simplement une inégalité dont elle n’est pas la seule à en avoir souffert.
Lucie Décosse nous parle aussi de sa vision de son sport dont il ne faut pas oublier que c’est un art martial avant tout. Dès le début, elle a été impressionnée par le cérémonial des séances de judo et par l’importance du salut. Le judo est pour elle plus qu’un sport, c’est un esprit, une philosophie que l’on doit respecter. Elle nous parle de l’importance du Shin Gi Tai, l’esprit la technique et le corps. Son approche est très japonaise. Un pays où elle est vénérée à sa juste valeur, une immense championne. Ce n’est pas pour rien qu’elle signa en 2013 un contrat de 4 ans avec le marque japonaise Mizuno. Lucie Décosse a beaucoup réfléchi à la signification que l’on donne au Ju Do, la voie de la souplesse. En cela elle suit la vision qu’en avait Jigoro Kano, le créateur du judo. La souplesse n’est pas seulement la souplesse du corps, comme on l’enseigne uniquement dans les dojos français, mais aussi la souplesse de l’esprit que l’homme doit avoir en permanence pour s’adapter. Ecoutons la nous donner sa définition de cette souplesse : « Je sentais le judo, n’intervenant que quand j’étais sûre de moi. Le but est de faire perdre l’équilibre à un adversaire qui ne le veut pas. Tout est question de timing. Certains utilisent leur physique, se bagarrent pour marquer des points. Ce qui, d’après moi, n’est pas nécessaire si tu respectes le bon timing. Il faut chercher la faille, le moment adéquat et porter son attaque. » CQFD.
Abordons maintenant le dernier chapitre de cette biographie passionnante et enrichissante. Celle de son avenir, de l’après judo. Lucie s’est lancée avec succès dans une carrière de journaliste sportif en réalisant des petits sujets et un documentaire lors de la dernière Coupe de Monde de football au Brésil pour la télé. Elle commente brillamment les grandes compétitions internationales. Qui ne se souvient pas de son extinction de voix lors des derniers JO de RIO. Mais en grande Dame, elle n’a pas oublié tout ce que le judo lui avait apporté et elle a accepté de devenir l’entraineur de l’équipe de France cadette. Soyons certains que nos jeunes judokates pourront bénéficier de ses précieux conseils.
Nous ne pouvons terminer qu’en lui souhaitant de réaliser son plus grand projet de femme : avoir des enfants et fonder une famille ! Mais vous ne saurez rien de plus dixit La Secrète…